Tambouille pour écrivain

Ecriture : l’arc dramatique du personnage

Comme nous l’avons évoqué plus tôt, ton personnage principal, ce n’est pas une boîte tupperware. Au contraire, c’est un être humain proactif, capable de prendre des décisions et surtout, d’évoluer au fil de l’histoire.

Donc aujourd’hui, on va parler de l’arc dramatique du personnage. The character arc, comme disent les américains.

Déjà, c’est un titre un peu pompeux dont la définition simple, c’est : la transformation de ton personnage du début à la fin de l’histoire. C’est une notion hyper intéressante et qui part d’un principe de base. Tellement basique que c’est possible de passer à côté : ton personnage n’est plus le même à la fin de ton histoire, il traverse différentes phases qui vont le faire évoluer.

Et comment on s’assure d’une bonne transformation? En prenant en compte quatre aspects.

Objectif et motivation

On va commencer par le commencement : ton personnage principal a besoin d’un objectif. Sans objectif,  pas d’arc dramatique et donc, pas d’histoire.

Et ensuite, il faut dissocier, une chose objectif vs motivation.

    • L’objectif : ce que veut ton personnage. Exemple : Alfie veut arrêter le mariage de sa meilleure amie.
    • La motivation : pourquoi ton personnage veut ce qu’il veut. Exemple : Alfie veut arrêter le mariage de sa meilleure amie parce qu’il est amoureux d’elle.

Pourquoi l’objectif est important? Parce qu’il crée du conflit, et créer du conflit, c’est l’indispensable d’une histoire réussie.

Et la motivation est essentielle parce qu’elle nous en apprend davantage sur le personnage principal et sur ses valeurs. Parce qu’elle vient valider l’objectif avec une raison profonde et inhérente au personnage.

Et cet objectif, s’il a l’air d’être immuable tout le long du récit, eh bien il ne l’est pas tout à fait. C’est justement ça qui fait changer le personnage.

Exemple : Martin Eden, de Jack London. Au début, Martin cherche à se cultiver pour atteindre un idéal intellectuel. Au fil de l’histoire, son objectif change : il décide de devenir écrivain.

Toutefois, la motivation sous-jacente, l’inconscient du personnage, lui, reste le même : ici, Martin Eden cherche sa place dans le monde et dans la société, et ce, du début à la fin du livre.

Et pourquoi est-ce important dans l’arc dramatique du personnage? Parce que cet objectif et cette motivation vont le forcer à agir, à prendre des décisions en fonction de sa vision du monde et de ses attentes.

Et c’est en prenant cette décision que notre personnage va changer.

Et c’est exactement ce qu’on veut : qu’il change.

Le spectre

Nous avons tous un spectre. Donc ton personnage aussi en a un. Le spectre du personnage, c’est un événement qui l’a traumatisé au point que toute sa vision du monde en est biaisée. C’est une pensée obsédante et qui empêche ton personnage d’être qui il est vraiment et d’obtenir ce qu’il veut et ce dont il a besoin.

Reprenons Alfie.

Exemple : donc Alfie veut arrêter le mariage de sa meilleure amie parce qu’il est amoureux d’elle. La seule raison pour laquelle il n’a jamais osé lui dire c’est parce qu’une autre fille lui a brisé le cœur quand il était plus jeune et il s’est juré de ne plus jamais tomber amoureux.

On est d’accord, il est difficile de faire plus cliché qu’Alfie. Mais tu vois ce que je veux dire : ce traumatisme l’a empêché de vivre la vie qu’il voulait, et maintenant, il doit lutter contre lui-même pour obtenir ce qu’il veut.

Le spectre peut être beaucoup plus sombre (un accident, attentat, guerre, agression, tout ce qui peut détruire émotionnellement ton personnage) et avoir un impact bien plus important. Mutisme, agressivité, solitude, dépression etc. L’important, c’est que ce spectre plane au-dessus de votre personnage en permanence, qu’il le bride et le rende malheureux.

(c’est rigolo de faire souffrir ses personnages)

Le mensonge

L’arc dramatique du personnage tourne beaucoup autour du mensonge que le personnage se raconte à lui-même. En définitive, on se ment tous pour nous permettre de supporter le quotidien. Sans ce mensonge, la vie serait intolérable. Et c’est pareil pour ton personnage. Il se ment à lui-même, et ce confortable mensonge l’empêche de vivre la vie qu’il aurait envie de vivre.

Pour que ton personnage puisse évoluer, il faut commencer l’histoire avec un manque à combler. Si on reprend Alfie, par exemple.

Alfie a tout réussi, il a coché toutes les cases professionnellement et socialement, mais il vit encore seul. Il a passé des années à se convaincre qu’il n’avait pas besoin d’amour parce que le jeu d’en valait pas la chandelle. 

Ainsi, Alfie préfère rester célibataire parce qu’il pense que de tomber amoureux fait plus de mal que de bien et qu’il ne sera jamais heureux en couple, et ce, même s’il se sent seul et qu’il est amoureux de sa meilleure amie. Ce mensonge qu’il se raconte a construit sa vision du monde et ne lui permet pas d’obtenir ce qu’il veut.

En tant qu’écrivain, ton travail est de l’amener à réaliser qu’il se ment à lui-même et qu’il n’est pas heureux du tout. Un mensonge peut être puissant, surtout quand il est confortable.

La fin (là où tout change)

La fin d’un récit se présente en deux temps : le climax et la résolution.

Le climax est aussi connu sous le nom de : le moment où tout se met en place et en général, c’est la méga merde.

C’est là que notre personnage principal se retrouve face à lui-même, il devient obligatoire pour lui de prendre des décisions graves et de se remettre en question. C’est aussi à ce moment qu’il va pouvoir réaliser (ou pas) son objectif et défaire le mensonge dans lequel il vivait.

Exemple : Alfie débarque à la mairie pour arrêter le mariage et est obligé d’admettre devant tout le monde qu’il est amoureux de sa pote. Il admet ainsi qu’il sera plus heureux avec elle que tout seul.

La résolution, c’est ce qui se passe après le climax. Une fois que le personnage principal a vaincu ses démons, arrête de se mentir à lui-même et commence une nouvelle vie avec de belles résolutions. C’est là qu’on peut voir à quel point le personnage a évolué et combien cette aventure lui a été bénéfique.

Point bonus : la chute libre

Evidemment, on n’est pas dans un film de Disney.

Il est aussi très intéressant de donner vie à des personnages qui partent avec une longueur d’avance et qui connaissent une longue chute aux enfers. Ton personnage n’est pas obligé d’évoluer de manière positive. Au contraire : il peut devenir un monstre, un sale con, dévoiler sa véritable nature ou son incapacité à se débarrasser de ses spectres et de se mentir à lui-même.

L’important, c’est que ton personnage lutte contre lui-même, qu’il avance et qu’il change. Et ce, même si c’est pour se transformer en Seigneur des Ténèbres.

Restons cohérent

L’arc dramatique doit te servir de fil d’Ariane quant au changement de ton personnage.

Ce changement peut être radical, mais on n’oublie pas un truc : il faut que ça soit cohérent. Si au début du livre, ton personnage est un nazi sociopathe qui tue des gens à bout portant en se tordant de rire, je doute qu’à la fin, il rejoigne le Petit Père des Pauvres, tout sourire à donner de la soupe à des retraités en EHPAD. Ton personnage gardera toujours quelque chose en lui d’immuable, qui ne changera jamais vraiment.

Et toi, quels autres éléments prends-tu en compte pour faire évoluer ton personnage?

 

Photo : Congerdesign, Pixabay

(6) Comments

  1. C’est très intéressant comme article. J’ai souvent entendu parler de cette conceptualisation qu’est l’arc du personnage, mais c’était quelque chose qui était resté très plat pour moi, car c’est souvent expliquer de façon très (trop) mécanique. Ici j’ai trouvé ça vraiment bien que tu prennes en compte la dimension du mensonge et du spectre.
    Par contre, dire qu’à la fin il faut un changement acté, je n’en suis pas certaine. Comme toute généralité, il y a des exceptions, et l’essentiel c’est de pouvoir assumer le choix qu’on fait, et qu’il ait un sens dans l’histoire pour que le lecteur n’ai pas l’impression qu’il a lu tout ça pour rien. D’ailleurs, ne pas changer ce n’est pas rien. Ça peut donner une lecture totalement différente à ce qui s’est passé avant, et ça peut être aussi terrible qu’une descente aux enfers. Mais oui, faut que ce soit assumé dans le propos du roman, si ça ne l’est pas ça risque de paraître incohérent ou décevant.

    1. Lea Hendersen says:

      Effectivement, je trouve que les arcs plus “négatifs” (type descente aux enfers) ou arc “plats” (aucun changement) sont fascinants ! En fait, je pense que l’arc, c’est la quête intérieure du personnage. Il cherche à atteindre sa pleine identité. Et si sa pleine identité, c’est d’être un gros looseur, ou un monstre, ça marche aussi.
      Je pense que la leçon à retenir, c’est juste que l’arc est un “changement d’identité” du personnage au cours de l’histoire. Qu’il soit bon ou mauvais (c’est très manichéen) ou qu’il foire complètement!

  2. […] Source : (voir l original) Ecriture : l’arc dramatique du personnage […]

    1. Lea Hendersen says:

      Bonjour.
      Je ne trouve pas normal de voir mon article publié sur un site dont je n’ai jamais entendu parler et qui ne m’a même pas demandé l’autorisation avant de s’en servir. Ajouter le lien source ne vous dédouane aucunement de venir me demander au préalable, surtout que je ne vois nulle part mon nom ou le nom de mon blog sur la page. J’aurais partagé mon travail avec plaisir, mais ce genre d’attitude me fait franchement grincer des dents. Si vous souhaitez conserver cet article sur votre site, je vous demande d’y ajouter mon nom et le nom de mon blog. Sinon, merci de le retirer dans les plus brefs délais. A ne jamais réitérer, ni avec moi, ni avec qui que ce soit.
      Léa

  3. […] Les besoins de vos personnages et leur résolution vont vous permettre de vous aider à construire l’arc dramatique de vos personnages – sujet sur lequel le blog Le Bazar de l’Imaginaire propose un article très intéressant. […]

  4. […] une fois, j’évite de trop divaguer quand je crée un arc dramatique. Mais chaque personnage, selon moi doit en avoir un. Sans qu’il soit exceptionnel, mais que le lecteur puisse observer des changements, même au […]

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