Tambouille pour écrivain

Le deuxième roman, cet enfer

Quand j’ai appris que j’allais être publiée, et quand plus tard, j’ai été publiée pour de vrai chez Calmann Lévy, il y a tout un tas de pensées positives, ultra grisantes qui sont venues se greffer à ma vie.
Tout à coup, j’étais capable d’y arriver, j’étais une auteure publiée pour de vrai. Les gens autour de moi que ça faisait gentiment rire de me voir écrire pour rien ont enfin eu une bonne raison pour fermer leur gueule.

Et c’était surtout une occasion pour moi de “lancer ma carrière”. ça y est, je suis rentrée dans le monde si prisé, si restrictif de l’édition. Il ne tient qu’à et qu’à moi seule de me faire un nom, de faire mon trou et d’y rester.
Et pour ça, rien de compliqué.
Il faut juste écrire un deuxième roman.

Mieux que le précédent

Quand on écrit un deuxième roman, il faut forcément qu’il soit mieux que celui d’avant. Sinon, ça veut dire que tu régresses ou tu es incapable de t’améliorer.

La tante de mon copain, que j’adore et qui est une grande lectrice et qui n’a pas du tout la langue dans sa poche, a lu Les Contours de la Mélancolie et l’a beaucoup aimé. Et elle a conclu en disant :

C’est un excellent brouillon des prochains romans que tu écriras.

Disons que c’est un compliment. Elle me dit : c’est un premier roman réussi, et les prochains seront encore mieux. Ça devrait être un encouragement, mais je trouve que c’est une demande de promesse, une sorte de douce menace : tu feras encore mieux la prochaine fois.

Vous savez ces auteurs qui ont écrit un premier roman et que quand ils publient le second, tout le monde dit “Ouais… bof.” Eh bien, ça me terrifie d’être de ces auteurs là. La barre est putain de haute, ou putain de basse, j’en sais rien. Parce que je ne sais pas si je suis capable de faire mieux !

Et c’est pour cette raison qu’il faut connaître la valeur de son propre travail. Le plus objectivement possible. Et c’est marrant parce que quand je regarde les Contours de la Mélancolie, j’ai parfois l’impression de regarder le meilleur boulot ou le pire boulot que j’ai jamais produit. J’oscille entre les deux. Parfois je pense qu’il est impossible de faire mieux, parfois que je pense que je ne peux que m’améliorer.

Prendre en compte les critiques négatives

Ce qui est trop chelou quand tu es publié, c’est ces vents contraires qui te prennent la gueule. D’un côté, tu as ton éditrice et toute l’équipe de ta maison d’édition (ceux qui ont lu ton bouquin en tout cas) qui trouvent que tu es trop chouette, que tu as écrit un super bouquin. Il y a les libraires qui te disent qu’ils ont mis ton livre en coup de cœur et qu’ils ont adoré. Donc, tu as l’impression d’être Dieu sur terre.

(Ça a jamais été trop mon cas, puisque personnellement, mon syndrome de l’imposteur n’a jamais été IMMENSE qu’à la publication de mon livre.)

Et puis, il y a ceux qui ont pas aimé ton livre. Ceux qui l’ont pas aimé parce que c’est pas leur truc, ça leur parlait pas. C’est plus une question de goût.
Et il y a ceux qui défoncent ton bouquin. Je m’étais préparée à avoir des commentaires négatifs et à me dire que c’était pas grave, que je n’allais certainement pas faire l’unanimité. Mais certains commentaires sont restés comme une putain de ritournelle. Quelqu’un a dit que j’écrivais comme une youtubeuse superficielle, par exemple.

Et depuis, je n’ai eu de cesse de polir ma plume, d’essayer de la rendre plus jolie et plus poétique. Tout ça pour relire mon texte et me dire : c’est pas moi qui ai écrit cette merde. C’est une Léa de 4ème qui fait tout ce qu’il faut pour avoir une bonne note à sa disserte de français.

Alors je n’arrête pas de me demander si je dois prendre en compte les remarques négatives. Est-ce que c’est supposé m’aider à m’améliorer ou est-ce que c’est juste des gens qui exposent un point de vue?

Le temps passe et rien ne se passe

Et me voilà, près d’un an après la publication de mon premier roman, et je n’en ai pas de nouveau qui sort en janvier. C’est terrible, voilà, ma vie est foutue.
Bon, oui et non. Entre septembre 2019 et maintenant j’ai réussi à pondre deux manuscrits bien sérieux (bientôt à la recherche de gentils bêta lecteurs…) et une sorte d’essai biographique où je me suis amusée — je sais pas si “s’amuser” est le terme qui convient — à raconter toutes les fois où j’ai été harcelée ou agressée pour la simple et bonne raison que je suis une fille.

Mais je dois avouer avoir traversé des périodes de vie assez douloureuse d’un point de vue créatif. Assise devant mon PC, à regarder cet écran blanc que je voudrais remplir, et à me dire que je n’arriverai jamais à écrire ce deuxième roman, que je suis trop nulle et que toutes mes idées sont pourries.

En résumé, chez moi, la pression tue la créativité. Et la seule chose qui m’a un peu sauvée de cette sécheresse artistique, c’est le confinement où de toute façon, je n’avais rien d’autre à faire. Et j’ai également écouté le supeeeeer épisode de la Page Blanche avec Sophie Astrabie où elle parle de la difficulté d’écrire un second roman. Et je me suis tellement reconnue dans tout ce qu’elle disait!

Et mes conseils d'expert, c'est quoi?

Bah vous êtes marrants, j’en ai pas! sinon, il y aurait déjà des étagères entières en librairies dédiées à mon travail, un peu comme si j’étais Stephen King, mais à seulement 30 ans.
Alors je vais vous donner les conseils les plus bateaux que je puisse donner et qui fonctionneraient probablement si j’arrêtais deux secondes de stresser :

– Continuer à écrire, quoi qu’il arrive, ce n’est pas en arrêtant que la machine va se relancer.
– Croire en ses idées, quitte à se répéter un mantra “je crois en mes idées” comme un.e grand.e taré.e
– Ne pas se comparer aux autres auteurs qui sont plus beaux et qui ont plus de succès que vous.
– Ne se fermer aucune porte pour la suite : écrire un roman radicalement différent, approcher une autre maison d’édition, ou même envisager de s’auto éditer… C’est ta carrière, c’est toi qui choiz, meuf.
– Ne pas oublier d’écrire avant tout quelque chose qu’on aime et qui nous ressemble et pas juste pour faire taire les critiques négatives.

Pour ceux ou celles qui ont passé ce cap, vous avez fait comment, alors?

(12) Comments

  1. Déjà félicitations pour ton roman, je ne l’ai pas encore eu entre les mains (j’ai une pile immense à rattraper et du temps à dénicher dans nos 24heures allouées) mais tu peux déjà être fière d’avoir été publiée et éditée (moi perso, j’attends des réponses ahah, mais un recueil de nouvelles, sur le baromètre de l’intérêt des ME, je le mets pas très haut ahah). Pour ce qui est des critiques, je crois qu’il faut les accepter et savoir trier ce qui peut être pertinent sans pour autant dénaturer ton style ou ta manière de dire les choses. Comme dit ta tante, c’est ton premier roman, et dans quelques années, il te fera sans doute sourire parce que ta plume aura évolué (enfin, normalement, il y a des auteurs qui aiment bien étirer la formule qui marche dans chacun de leurs romans…) Bref, be natural, be yourself ! Belle soirée, Sabrina.

    1. Lea Herbreteau says:

      Merci pour ces conseils qui sont très justes !

  2. Je n’en suis pas encore là (faudrait déjà arriver à publier le premier) mais quand je vois comment je réagis à la critique, et comment je peux focaliser sur certaines remarques, je pense comprendre ce que tu ressens… et merci d’en parler !
    Reste près de ce que tu aimes, en effet. Ceux qui n’ont pas aimé le premier n’aimeront peut-être pas le second (s’ils le lisent !), mais c’est en restant le plus proche de toi que ça continuera à résonner chez ceux qui ont aimé le premier… ça va le faire !

    1. Lea Herbreteau says:

      C’est tellement beau et tellement vrai ! Merci !

  3. Ben moi mon premier roman est sorti il y a un an et demi et le deuxième n’est pas prêt de le suivre :p
    J’ai envie de te faire manger “Comme par magie” page par page tellement ce bouquin répond bien à ce que tu évoques ici. En tout cas, il m’a beaucoup aidée à dédramatiser certaines choses.
    Le livre parfait n’existe pas. Aucun livre ne plaira à la terre entière. Il y a des gens qui détestent Marc Lévy, ou Victor Hugo, ou Tolkien, voire (quelle horreur) des gens qui n’aiment pas Jane Austen.
    L’appréciation d’un livre est TOUJOURS subjective. Bien sûr, on pourra te faire des commentaires qui auront l’air objectifs, sur les personnages qui sont mal construits ou la structure qui est bancale. Mais même ces règles-là, elles sont liées à notre contexte culturel actuel. Rien que lire des best-sellers du XIXème siècle montre à quel point les attentes des lecteurs ont pu changer depuis.
    Et même si tu écris un texte que certains trouveront nuls, il pourra toujours y avoir d’autres auteurs en qui ça résonnera, qui en tireront des émotions. La première fanfiction que j’aie lue m’a tellement bouleversée que j’en ai eu les larmes aux yeux. Quand je l’ai relue quelques années plus tard, je l’ai trouvée naze. Le texte n’avait pas changé, moi si. Est-ce que ma première réaction était moins légitime que la deuxième ? Je ne pense pas, en tout cas elle était sincère.
    Je sais pas ce que ça veut dire d’écrire comme une youtubeuse superficielle. Mais dans le doute, je pense que c’est pas ton cas.
    Bon courage <3

    1. Lea Herbreteau says:

      Aaaaaw <3 Merci pour ton commentaire
      Et Big Magic je l'ai chez moi et j'oublie tout le temps de le relire parce que je culpabilise parce que je lis pas autant que les booktubeuses!

  4. Gaëlle Levesque says:

    Bonjour bonjour!

    Bon,d’abord je comprends parfaitement que tu aies pu être traversée de sentiment aussi contraires. Mais la vraie raison qui me pousse à te laisser un commentaire, c’est ce que tu as écrit sur ton essai (je viens d’écrire un essai autobio sur un sujet similaire, je l’ai appelé La Fabrique d’une fille et je rêve qu’on soient plusieurs à faire un recueil. Bref, j’arrête avec ma vie, je ne suis pas là pour faire ma pub). Du coup, si tu as besoin d’une BL sur ce texte, je serais très intéressée (je sais, on ne se connaît pas, même si j’ai l’impression de te connaitre un peu à force de suivre tes vidéos et de lire ton blog!).
    Merci pour tous ces textes en tout cas, qui, pour moi, sont des bulles d’oxygène.

    1. Lea Herbreteau says:

      C’est trop gentil ! Malheureusement, je ne suis pas certaine de vouloir partager ce texte un jour. C’est super intime…
      Mais le fait que tu aies écrit un texte similaire me touche beaucoup, ça veut bien dire qu’on est nombreuses à avoir été victimes et à vouloir briser le silence. L’idée d’un recueil est aussi très très très intéressante…
      Merci à toi pour ton retour <3

  5. C’est une question super intéressante, de savoir si on doit tenir compte des critiques. Surtout qu’à ce niveau, ton livre est déjà publié, donc tu ne peux plus rien y faire… J’imagine que c’est comme les bêta-lecteurs, ça ne vaut le coup d’y réfléchir que si ce sont des critiques qui reviennent régulièrement, et des critiques que tu pourrais appliquer à un autre livre. Finalement, si tu y tiens vraiment vraiment, le mieux c’est peut-être de demander à quelqu’un de confiance de te faire une synthèse des quelques critiques les plus courantes (histoire de pas tout te prendre en pleine figure), et même ça, c’est pas sûr que ce soit tellement utile… Le reste, il vaut mieux ne pas s’attarder dessus (il a beaucoup d’auteurs qui conseillent de ne jamais lire ses propres critiques).
    En tout cas, je comprends un peu ce que tu ressens, je sors aussi d’une grosse période de blocage sur mon deuxième roman. Dans mon cas, c’est en partie parce que justement je n’ai pas (encore, soyons optimiste^^) de retour de maison d’édition sur le premier, et ça a remis en question ma capacité à écrire. J’ai passé les derniers mois à buter sur chaque mot, parce que j’avais l’impression que ce que j’écrivais était mauvais. Ce qui a fini par m’aider, c’est de me poser et de réfléchir à ce qui me plaisait dans mon nouveau projet, ce que j’avais vraiment envie d’écrire. Et non seulement ça m’a aidé à avoir pas mal de nouvelles idées, mais ça m’a vraiment remotivée, et pour l’instant ça a l’air de fonctionner. Je touche du bois^^
    En tout cas, tu as publié un roman, c’est déjà un exploit dont peu de personnes peuvent se vanter^^. N’oublie pas de t’auto-congratuler de temps en temps, ça fait du bien aussi. J’espère en tout cas que tu arriveras à te sortir de cette mauvaise période. Je pense qu’on finit toujours par s’en extraire, le problème, c’est que ça parait teeeeeeeeeellement long quand tu es en plein dedans…
    Tous mes vœux de courage (et de succès of course^^)

    1. Lea Herbreteau says:

      En ce qui concerne les critiques, je crois qu’il y a plusieurs écoles… Il y a ceux qui disent qu’il faut les lire absolument, prendre en compte les avis des lecteurs pour améliorer le prochain roman. Et ceux qui pensent qu’en effet, une fois le roman publié, on ne peut plus rien y changer, alors à quoi bon lire les critiques? Si un roman doit être amélioré, c’est dans la phase de correction avec bêta lecteur/correcteur/éditeur.
      Et j’ai plutôt tendance à penser comme toi : il ne vaut mieux pas les lire. Parce que les négatives sont désagréables, et quand je tombe sur une critique positive, je me dis “Bon, il a écrit ça juste pour me faire plaisir!”
      Mais après la publication de mon livre, mon papa m’envoyait des messages à chaque fois qu’une nouvelle critique était publiée sur Babelio (Il est à la retraite et je crois qu’il a passé des mois à googliser mon roman…)

      Et je te rejoins dans l’idée de se poser et de se demander vraiment pourquoi on veut écrire tel ou tel projet et pourquoi on l’aime. Ça peut être un bon moyen de remettre l’église au milieu du village (j’adore cette expression) et de se remotiver.
      Merci pour ton commentaire en tout cas et je te souhaite du courage et de la force pour la suite de tes projets (et également ÉNORMÉMENT de succès)

  6. Je ne pense pas qu’on fait toujours mieux que le précédent.
    J’ai écrit un roman en 2012, par exemple, que je trouve bien meilleur que ceux qui ont été publiés. Et que je compte auto-éditer en 2021, parce que, comme tu dis “C’est ta carrière, c’est toi qui choiz, meuf.” 🙂
    Pour les critiques négatives, c’est inévitable, et quand on est très (trop) sensible, ça blesse terriblement. Mais j’ai remarqué qu’on a tendance à se focaliser sur ça, au détriment des retours positifs des lectrices et lecteurs. Récemment, je suis retombée sur un mp reçu d’une lectrice, qui me disait avoir adoré et avoir pleuré. Ça m’a fait du bien de relire ça, car je doute souvent. Il y a quelques jours, je préparais mon nouveau site, et j’ai sélectionné des extraits de chroniques de lectures, là encore, ça m’a rendu le sourire. Bref, tout ça pour dire que quand tu reçois un avis négatif, relis les positifs pour remettre en perspective. 🙂
    “Ne pas oublier d’écrire avant tout quelque chose qu’on aime et qui nous ressemble et pas juste pour faire taire les critiques négatives.” C’est le plus important : toutes les fois où j’ai écouté d’autres personnes “tu devrais écrire sur ceci ou cela”, j’ai été bloquée dans l’écriture.

    1. Lea Herbreteau says:

      Comme toi, je n’ai retenu que les critiques négatives. J’ai complètement occulté le positif et pourtant, Dieu merci, j’en ai eu énormément, bien plus que des négatifs. Mais je les lis à peine, je les survole parce que je me dis qu’ils sont pas sincères, ou qu’ils ont écrit ça pour être sympa…
      Je sais pas si connais l’autrice américaine Jenna Moreci. Elle dit qu’elle conserve des fichiers sur son ordinateur avec toutes les critiques positives qu’elle a reçues. Et dès qu’elle se sent un peu triste, elle les relit et ça la remotive.

      Et oui, en effet, quand j’écris et que j’essaie de faire quelque chose qui “plairait à mon éditrice” ou qui “plairait à la ligne éditoriale de Calmann Lévy” je me sens bloquée. Vraiment, c’est pas si facile de s’affranchir de ce qu’on pense que les autres attendent de nous et de se concentrer sur ce qu’on veut réellement pour soi…

      Merci en tout pour ton commentaire <3

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