Tambouille pour écrivain

L’écrivain perfectionniste

J’ai beaucoup écrit sur des sujets qui me tiennent à cœur, la motivation, la culpabilité, la dépression… Mais un sujet qui m’a longtemps tenu la jambe, c’est toujours le perfectionnisme.

Le perfectionnisme, c’est la tendance à vouloir faire tout avec un souci exagéré de la perfection. (C’est pas moi qui le dis, c’est le Larousse.)

Un souci exagéré. Exagéré.

En tant qu’écrivain, je suis systématiquement happée par les écrits des autres. Ma bibliothèque est pleine à craquer d’ouvrages et d’auteurs que j’adore, à qui j’aimerais ressembler. Des histoires qui m’ont fait pleurer et rire, des romans que j’aimerais être en mesure d’écrire. C’est l’influence de ces “grands” qui ont nourri mon perfectionnisme.

Pourquoi est-on perfectionniste?

Je pense que le souci de la perfection vient avant tout de l’amour que l’on porte à son travail. Ecrire un livre vient avant toute chose d’un amour immense que l’on porte à son art, à ses personnages et à son histoire.

Et quand on est épris, réellement épris par quelque chose, on a envie d’être sous son meilleur jour, et de fournir le meilleur de soi. Pour que le résultat final soit brillant.

Cela peut nous mener à travailler et à retravailler des scènes, des personnages, des manuscrits entiers jusqu’à ce que cela n’ait plus aucun sens. Pour vous donner un exemple, cette année, je me suis littéralement acharnée sur les corrections d’un manuscrit que je ne trouvais pas parfait.

Je trouvais que mon style n’était pas bon, que l’intrigue était faible, que les personnages étaient lisses. Rien n’allait jusqu’au jour où j’ai jeté l’éponge.
Voilà ce qui se passe quand on est trop perfectionniste : on s’acharne, et puis on finit par abandonner, parce que les attentes sont beaucoup trop hautes.
Quelques mois plus tard, j’ai fini par reprendre ces corrections. J’étais nauséeuse, juste à l’idée d’y jeter un petit coup d’œil… avant de réaliser que je m’étais rendue malade pour rien. Ce que j’avais écrit était bon. Pas parfait, mais bon.
Et j’en étais arrivée là parce que j’aimais tellement mon histoire et mes personnages que je voulais que tout soit parfait. En réalité, ce sont les imperfections de mon manuscrit qui le rendaient si intéressants.

Un idéal inatteignable, pour personne

L’idée de perfection est universelle, nous y sommes tous confrontés. Pourtant, la perception de la perfection (tu me suis?) est très subjective. Je trouve certains romans ou certains textes en tout point parfaits, alors que d’autres vont trouver ça lourd ou chiant à crever. Il y a même des gens qui n’aiment pas Harry Potter (je ne les comprends pas non plus, t’en fais pas.)

On a beau se dire, objectivement, que la perfection n’est pas réaliste, on a envie d’essayer quand même. Et c’est là toute la nuance : un roman doit être parfait selon ses propres critères. Si pour toi, c’est le style qui doit primer, alors il faut travailler dessus. Certains auteurs préfèrent insister sur la psychologie des personnages, d’autres sur les descriptions, les symboles, etc. Le reste, ce n’est que la perfection selon les autres.

Lâcher prise : accepter d’être nul, des fois

Je l’ai dit et je le répète, mais accepter d’être nul a changé ma vie. Quand j’ai commencé à écrire, je me lançais toujours la boule au ventre parce que je voulais que mon premier jet soit parfait. Que les premiers mots que j’aurais jeté sur le papier soient ma version définitive.
Mais tout a changé quand j’ai appris à lâcher prise. A écrire sans pression, avec l’idée que je n’écrirai peut-être pas bien aujourd’hui, mais je pouvais toujours corriger le lendemain, ou reprendre entièrement si besoin. La perfection n’a rien à faire dans les prémisses de l’écriture. Au contraire. C’est le fait de se tromper lourdement et régulièrement qui donne l’opportunité d’avancer et de s’améliorer.

Toute chose est lourdement imparfaite

A un moment, il faut arrêter. Et il faut prendre conscience de quelque chose d’important : tout est imparfait. Même ce qu’on trouve magnifique est écorné, gondolé. Il y aurait constamment des modifications à apporter, même aux plus incroyables des récits. Et surtout, il y aura toujours des gens pour penser que ce tu fais est nul.
Oui, pour beaucoup de gens, ce que tu écris sera nul et bon à jeter aux ordures. Est-ce que cela signifie que tu dois tout arrêter?

Putain, non.

Il faut simplement fournir le meilleur de soi, et toi, tu es lourdement imparfait, comme moi, et comme tous les auteurs qui t’ont fait rêver. Inutile d’aspirer à une quelconque perfection. Cela ne signifie en rien qu’il ne faut pas travailler comme un fou, ou laisser tomber l’idée même de corriger un manuscrit plusieurs fois.
Mais qu’à un moment, il faut lâcher prise, prendre du recul et ne pas oublier quels sont tes critères de perfection.

Lutter contre le perfectionniste, c’est d’abord se recentrer sur ce qu’on veut, sur ses propres objectifs. Ce ne pas oublier qu’on ne plaira pas à tout le monde. Mais c’est aussi écrire en connaissant le travail, en connaissant ou en ignorant les règles de la narration. En maîtrisant ces outils, on développe sa confiance, et on finit par se savoir parfaitement imparfait.

Et vous, comment luttez-vous contre l’idée de perfectionnisme?

(6) Comments

  1. Il me semble qu’une partie du perfectionnisme, en écriture, est liée à la peur des corrections. Souvent le premier jet terrifie : on veut qu’il soit parfait, parce qu’on ne veut pas avoir à tout retravailler derrière. Mais il faut accepter l’idée qu’on ne pourra pas y couper. Que le premier jet soit moyen, bon ou très bon, il y aura forcément des corrections à faire derrière, et ça prendra forcément du temps. Donc je pense que c’est important de dédramatiser le premier jet pour pouvoir avancer et écrire ce fichu manuscrit !

    Après, l’autre écueil du perfectionnisme (dont tu parlais sur Instagram) c’est l’inverse : faire des corrections à n’en plus finir. Là, je pense que c’est bien de fonctionner par étape :
    – Ecrire un premier jet et le réécrire jusqu’à ce que l’histoire tienne debout
    – L’envoyer, imparfait comme il est, à des relecteurs
    – Intégrer tous les retours qui semblent pertinents
    – Relire l’ensemble et retravailler la cohérence du tout, les thématiques, les arcs narratifs des personnages, pour s’assurer que tout est bien connecté entre le début et la fin
    – Peaufiner éventuellement avec un regard pro (idéalement celui d’un éditeur)
    – Retravailler les tournures de style, les répétitions, les verbes faibles, etc. (à faire évidemment une fois que le fond est bien calé)
    – Corriger l’orthographe et la typographie
    – Envoyer
    – Recommencer

    1. Lea Hendersen says:

      Tu es un génie (je sais pas quoi dire de plus, ça résume mon point de vue)

  2. Aaaah la perfection…Ce cadeau empoisonné, aussi (in)utile que cruel..J’ai radoté là-dessus à plusieurs reprises sur mon ancien compte Insta. Et à un moment j’avais écrit: “Elle n’est qu’illusion, un mirage, la ligne de l’horizon qui semble s’éloigner au plus on approche. Chercher la perfection, c’est trouver la frustration. De par sa nature on ne peut l’atteindre. Et qui le voudrait? Atteindre la perfection signifierait qu’il n’y a plus d’évolution ni d’amélioration possible. On est au bout, l’ultime palier franchi. Mais ce qui n’évolue plus dépérît et finit par mourir.”
    Voilà, je sais pas pourquoi j’avais envie de poser ça là, mais c’est fait 😅😂

    1. Lea Hendersen says:

      C’est joli !!! Et c’est très vrai ! A quoi bon vouloir être parfait? Sinon, on n’évolue plus et on grandit plus !

  3. […] En fait, j’aime ce roman, parce que je me suis ENFIN délestée de toutes les règles d’écriture que je suivais depuis des plombes en attendant le manuscrit PARFAIT. […]

  4. Le perfectionnisme me poursuit depuis… Depuis toujours je crois ! Selon moi, c’est un poison autant qu’un cadeau. Il faut “simplement” parvenir à dompter ce trait de caractère et ne pas le laisser nous envahir. J’écris “simplement” mais je ne crois pas qu’il soit si facile d’apprivoiser le perfectionnisme. Surtout quand ce dernier nous rend malade.
    Car je pense que le perfectionnisme est néfaste et nuisible quand il devient obsessionnel et maladif (et ça, dans n’importe quel domaine). Mais quand, au contraire, il nous pousse vertueusement à donner le meilleur de nous-mêmes, alors il devient bénéfique. Et c’est ça qu’il faut aller chercher dans le perfectionnisme. Son côté positif, qualitatif, encourageant. Il faut en faire son meilleur allié. Or, ça reste complexe.
    Personnellement, il m’a très longtemps été néfaste. Je m’en suis rendu malade, notamment pendant mes études de lettres. Aujourd’hui, je suis toujours aussi perfectionniste, mais je réussis progressivement à accepter de produire des écrits “imparfaits”. Maintenant, comme tu l’as si bien écrit dans ton article, un texte n’est jamais fini. Il y aura toujours quelque chose à revoir, un chapitre à réécrire, une phrase à changer, un mot à supprimer, un style à faire évoluer. L’écriture est vivante. Mais si nous nous arrêtons à “ce que j’ai fait est nul. Ce n’est pas parfait, je ne vais jamais y arriver, Je verrai ça demain ou j’abandonne.”, alors on ne parviendra jamais à produire quoi que ce soit. Et je suis d’accord avec un point : il y aura toujours des gens pour trouver que ce que l’on fait est nul. Mais d’autres adoreront au contraire !
    Nous nous jugeons durement. Trop durement. Et arriver à notre “perfection” (si nous y parvenons un jour !) ne changera rien. Peut-être qu’à nos yeux l’écrit sera parfait. Mais aux yeux des autres, il pourra être inintéressant. Le perfectionnisme est un trait de caractère très complexe. Je pourrais en parler pendant des heures ! 😅 En tout cas, cet article était super sympa, merci ! 🙂

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