Tambouille pour écrivain

Trop de description : info dumping

Ne me regardez pas comme ça, oui moi aussi je l’ai fait… L’info dumping.

Vous m’excuserez de ne pas trouver de meilleur terme, mais il s’avère que le monde anglo-saxon a trouvé les bons termes et qu’en France, on est tout simplement incapables de les traduire.

En fait, l’info dumping, c’est l’art, (ou plutôt la terrible habitude) d’interrompre l’action d’une scène pour y jeter un ou deux paragraphes (ou pages) d’informations au lecteur afin qu’ils comprennent certaines choses que l’auteur juge capitales pour le bon déroulement de l’action.

Ça arrive souvent au début du livre, soit par l’intermédiaire d’un prologue raté ou d’un dialogue très bancal entre deux personnages qui se racontent une histoire où sont (mal) distillées ces informations. Ces informations relèvent souvent d’un élément qui a eu lieu avant l’histoire, de la backstory d’un personnage. Dans le domaine de la SFF, il s’agira de l’explication d’un concept magique ou scientifique, ou encore de la description très longue d’un monde et de son histoire. Quoi qu’il en soit, l’info dumping est souvent une pratique qui implique une très mauvaise gestion du “temps de parole” des informations.

Et le plus triste, c’est que c’est un piège dans lequel il est très facile de tomber, surtout quand on commence juste à écrire. On imagine que chaque détail est important dans l’écriture, que le lecteur a besoin de tout connaître et qu’il va trouver l’histoire de la faune et de la flore de la planète Zyblon absolument fascinante. Alors que non.

Les lecteurs prennent un livre pour lire une histoire.
Une histoire pas un article scientifique.

Revenons à nos montons.
Alors c’est un piège dans lequel on tombe facilement. Mais comment l’éviter?
J’ai 4 conseils pour toi.

Les dialogues

C’est un conseil facile, et tu en as déjà entendu parler, c’est sûr. Pourtant, je le mentionne plus haut en disant que le dialogue peut aussi être un tremplin pour un énorme info dumping, alors… alors qu’est-ce que je raconte?!
Je te parle d’écrire ici de dialogues bien dosés et qui ont un objectif dans l’intrigue. 

Imaginons que tu écrives un livre sur une jeune fille qui explore les mystères de sa famille et qu’elle parle à sa grand-mère de lui raconter l’histoire de leur famille dès la scène d’ouverture. Outre le fait que ça soit outrageusement maladroit, c’est aussi furieusement ennuyeux.

Le dialogue est une opportunité de donner des informations au lecteur, pas un outil qui permette de conjurer le fait qu’un écrivain ne sache pas comment la distiller au fil du livre. Ce doit être organique, proactif et permettre de développer le personnage.

Cela doit s’incrire dans un contexte qui est en rapport avec l’intrigue, mais aussi en profiter pour explorer les personnalités des personnages. Ces mêmes personnages doivent aussi avoir un objectif derrière cet échange. Dévoiler ou cacher quelque chose à l’autre. Parfois un personnage sait quelque chose que l’autre ne sait pas. Parfois, les deux personnages savent la même chose, mais l’un d’eux ne veut pas en entendre parler et l’autre le lui rappelle. C’est une manière de dire au lecteur ce qu’il a besoin de savoir.

Exemple : pour reprendre la petite-fille et sa grand-mère, on pourrait imaginer qu’après la mort de son père, la gamine va voir sa grand-mère pour essayer d’en savoir plus sur son père (objectif). A l’enterrement (contexte), les deux femmes ne s’entendent pas bien mais la petite essaie quand même de soudoyer des informations. La grand-mère est sur la défensive, la petite fille est en colère (exploration du personnage) et à la fin, la grand-mère avoue que le père avait des soucis étant enfant mais qu’elle ne sait rien de plus, et la petite s’énerve en disant qu’elle a besoin de savoir parce que son père s’est suicidé sans raison (information).

La clé est de trouver l’équilibre entre tous ces différents points afin de faire avancer l’intrigue sans la ralentir. Là, on a toutes les informations dont on avait besoin avec un contexte, un objectif, des personnages bien définis et un petit cliffhanger en prime.

Les détails

Vous allez dire que je suis folle parce que cet article traite en fait, à la base, d’éviter les longs paragraphes de description ou de narration détaillées sur une histoire ou un concept. Mais je suis aussi là pour vous rappeler que le diable réside dans les détails.

Mon conseil est simple, pour éviter de se lancer dans une description d’un monde avec toute son histoire et sa géologie à un lecteur qui sera mort d’ennui avant la fin du paragraphe, il faut sélectionner les bons détails. Les détails mémorables, à la fois pour ton personnage, mais aussi pour ton lecteur.
Exemple :
Ton intrigue se déroule sur une planète désolée, où une mystérieuse guerre ou un cataclysme a tout détruit. En dépit des nombreuses explorations, on ne sait toujours pas pourquoi cette planète a été ravagée, mais il reste un sentiment étrange sur cette planète. L’impression qu’elle est hantée ou qu’elle cache quelque chose.
Au lieu de décrire un à un tous les différents événements historiques de cette planète, ou des différentes expéditions, ou des paysages, ou je ne sais quoi, peut-être vaudrait-il mieux se centrer sur quelques détails.
Par exemple, le silence sépulcral des lieux, où on a l’impression qu’il se n’agit qu’une vitre derrière laquelle se cache un tas de secrets.
L’odeur de brûlé qui ne veut jamais se tarir.
Les ciels rougeoyants qui auraient tellement à raconter.
Etc.

Sélectionner les bons détails au contraire d’en étaler des centaines et des centaines donne plus de corps au récit et évite des pages et des pages d’informations pour le lecteur.

Les souvenirs et les flashback

A utiliser avec précaution !!
Encore une fois, les souvenirs et les flashbacks doivent avoir un sens. Ils doivent arriver parce qu’ils sont provoqués par quelque chose. Déjà, il ne faut pas que ça soit à chaque page. On évite des flashbacks toutes les deux minutes où le personnage n’a rien d’autre à foutre que de réfléchir au passé. En fait, il faut sélectionner, ici aussi, les souvenirs qui ont de l’importance et les donner au bon moment, sans en faire des tonnes.

Par exemple : ton personnage sent l’odeur d’un gâteau dans le four, et cela lui rappelle le jour où son frère a été enlevé et n’est jamais revenu. Ce jour-là, leur mère avait aussi fait un gâteau. Ce n’était qu’un jour comme les autres, après tout.

Quant aux flashbacks, moi je dis oui. Je sais que c’est parfois une technique facile, mais je les aime. Je les aime dans les livres, je les aime dans les séries, et je les aime dans les films. Je les aime partout !

Attention, je les aime sous tout un tas de formats. Par exemple, dans l’incroyable série Alias Grace, les flashbacks de Grace ne durent parfois qu’une seconde. Ce n’est pas nécessairement un long monologue sur un événement du passé, mais juste l’image d’un corps balancé dans la cave. Ce genre de flashback met immédiatement le lecteur/spectateur dans l’ambiance et donne le ton de l’histoire. Pourtant, ça n’a duré qu’une seconde.

Il y a peu, j’ai lu un livre ou les flashback arrivaient sous le format de lettres, très courtes où un personnage racontait à un autre une histoire indispensable pour le déroulement de l’intrigue. J’ai trouvé cette idée très bonne, elle permettait de dévoiler peu à peu le passé du personnage et allégeait un récit pas très joyeux avec des bribes de passé.

Je pense que le secret est là : le dosage et la longueur. Combien de flashbacks dans l’histoire, et combien de temps/pages durent-ils? Trop de flashback, ça devient redondant, et s’ils sont trop longs, c’est aussi redondants.

Montrer au lieu de décrire

Quand on écrit une histoire, il faut la faire vivre. Or, l’info dumping fait tout l’inverse en ralentissant et en interrompant l’intrigue. Pour présenter un monde, un concept ou un personnage, il faut le mettre en action, le montrer au lecteur plutôt que de l’expliquer.

Exemple :

Ton personnage est capable de faire bouger des objets avec l’esprit, montre le en train de le faire et ce qu’il ressent pendant qu’il le fait.
Le monde dans lequel se passe ton livre est parasité par une étrange maladie, alors au lieu de le dire, montre un village entier ravagé par la maladie et les conséquences sur la population pendant que ton personnage passait par là.
Ton personnage croise l’amour de sa vie au rayon brosse à dents du supermarché. Ne dis pas : Alfred était fou amoureux de Gérard depuis le CP. Montre à quel point la température grimpe quand il le croise ou comment il essaie de cacher son érection.

Pour moi, me débarrasser de cette mauvaise habitude a été un peu difficile. On est tenté de se dire : tel important est vital et mon lecteur a besoin de le savoir MAINTENANT et en DÉTAILS. Mais c’est une erreur, le lecteur a besoin d’être intrigué, retenu par des détails.

Au final, on peut aussi s’amuser à disperser les informations importantes au lieu de les jeter aux yeux du lecteur. Cultiver le mystère …

 

Crédit photo : Golfturat, Pixabay

(5) Comments

  1. C’est effectivement un défaut dans lequel tout le monde tombe, et le pire c’est qu’on a souvent du mal à se rendre compte qu’on a les pieds en plein dedans. Heureusement, les relectures (et les avis extérieurs) permettent de prendre du recul. J’aime beaucoup les exemples que tu donnes, ils sont très parlants !

  2. Merci pour ce rappel ! C’est vrai qu’on tombe facilement dans ce piège, parfois sans s’en rendre compte…

    1. Lea Hendersen says:

      Eh oui… Moi aussi ça m’arrive encore de le faire. Mais je rectifie le tir à la relecture !

  3. […] c’était clairement un chapitre TROP chargé en infos (allez lire l’excellent article du Bazar de l’Imaginaire à ce propos – j’arrête pas de faire sa pub en ce […]

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