Tambouille pour écrivain

Mes personnages féminins préférés dans la littérature

A l’origine, cet article devait s’appeler “Mes personnages de fiction préférés”. Mais en faisant un tour dans ma bibliothèque, j’ai réalisé deux choses :
1- Il en faut beaucoup pour qu’un personnage de fiction me marque profondément. Parfois, je me rappelle davantage d’une histoire ou de l’univers qui la compose que du personnage ou des personnages principaux. Cela démontre à quel point c’est dur d’écriture des personnages marquants, mais aussi à quel point c’est important.
2- Comme je suis une fille et mes instincts féministes sont bien en alerte, je ne veux pas vous parler de garçons. Les garçons sont partout, ils ont le beau rôle et très franchement ça me les brise, donc je ne vais parler que de femmes. Et aussi parce que vu les clichés qui empoisonnent la littérature autour des femmes, il est d’autant plus rare et plus difficile de construire un personnage féminin marquant et réussi.

Je ne vous ferai pas l’affront de vous sortir des personnages réchauffés en vous balançant des Arya Stark (surtout que je préfère clairement sa frangine Sansa), Hermione Granger ou Lyra Bellaqua. J’ai essayé de chercher des livres et des personnages un peu différents, qui je l’espère vous donneront envie de découvrir ces romans.

Et pour info, ce n’est pas une liste de top 5, c’est pas dans l’ordre (même si je dois l’admettre, la dernière est clairement ma préférée.)

Hekla - Miss Islande de l'autrice Audur Ava Olafsdottir

Quand j’ai commencé la lecture de Miss Islande, après avoir vu les critiques dithyrambiques qui traînaient partout sur Instagram, j’étais pour le moins perplexe. La narration est étrange, le propos n’est pas clair. Je comprends rien. Mais après avoir dépassé les cinquante premières pages, je ne pouvais plus m’arrêter. La poésie est partout, et cette étrange narration m’a emportée dans son rythme à tel point que j’ai été incapable de reposer le livre avant de l’avoir terminé.

Helka est une jeune femme dans les années 60 en Islande. Ses parents lui ont donné le nom d’un volcan, et pourtant, Helka est discrète. Elle n’explose pas, n’a pas de rouleaux de fumée autour de la tête. Mais elle est aussi menaçante qu’un volcan prêt à se réveiller à n’importe quel moment parce qu’elle écrit et surtout parce que c’est une femme.
A priori, l’Islande des années 60 était pas des plus progressistes en matière de féminisme (un client te touche le cul, tu souris et tu dis merci, tu viens de te marier, n’envisage même pas de trouver un boulot et reste à la maison faire cuire des steaks de baleine avec les enfants) Mais Hekla refuse tout cela et se lance dans l’écriture de ses romans, elle dépasse de loin ses contemporains masculins grâce à la qualité de sa plume. Tout le long du roman, un homme lui propose de participer au concours de Miss Islande et elle refuse, refuse, refuse et refuse encore parce qu’elle a d’autres ambitions. En ça, Hekla est volcanique. Elle n’est pas une explosion, elle est une force tranquille, un élément déterminé qui peut tout détruire sur son passage.

Une lecture magnifique avec un personnage incroyable que je vous recommande très chaudement.

Blanche - Une bête au paradis, Cécile Coulon

J’ai découvert Cécile Coulon parce que Emilie Deseliene faisait que parler d’elle. J’ai commencé par lire Trois Saisons d’Orage que j’ai beaucoup aimé (sauf la fin, la fin m’a vraiment gonflée, mais c’est pas le sujet) Et après le confinement, j’ai décidé d’aller claquer ma thune en librairie, à la fois parce que j’en avais marre de lire sur ma liseuse, mais aussi parce, guidée par le code noble de la chevalerie, je voulais à tout prix donner de l’argent à mon libraire en cette période de crise. 

Donc, je suis allée faire une razzia et parmi mes lectures se trouvait Une Bête au Paradis.
J’ai choisi de parler de Blanche, ici, mais je pourrai tout autant mentionner sa grand-mère, Emilienne. Les deux femmes travaillent sur leur ferme, le Paradis et j’ai trouvé superbe la façon dont l’auteure décrivait ce lieu et ces femmes comme complémentaires. S’appartenant, comme si l’une ne pouvait pas survivre sans l’autre. J’ai un faible pour ces histoires, quand un lieu, une “terre” fait partie intégrante de l’histoire et du personnage. 

J’ai aimé Blanche pour sa passion, son refus de quitter ses terres. Comme si cela lui paraissait invraisemblable. Mais aussi la façon dont elle choisit de faire régner la justice, ce qu’elle est prête à faire pour sauver les siens. Une femme un peu torturée (elle mange des araignées vivantes qu’elle chope dans sa grange… Bon. Chacun son apport en protéine) mais mûe par la certitude d’être exactement là où elle devrait être et que cet endroit est plus important qu’elle et que tout le reste.

Jane Eyre - Jane Eyre de Charlotte Brontë

J’ai lu Jane Eyre deux fois. Une fois quand je vivais à Paris, et que j’étais en stage et que je voulais avoir de la culture, et une autre fois comme ça pour le plaisir. (J’adore relire des livres.) Evidemment, j’avais adoré mais ma deuxième lecture a été plus critique que la première. D’où l’importance de redécouvrir ses classiques à quelques années d’intervalles : cela m’a permis de comprendre mieux les réactions de Jane. Attention, je vais vous spoiler

-DIVULGACHAGE-
Quand Jane Eyre apprend que son boyfriend est déjà marié, elle est forcément déçue. Il aurait pu lui en toucher deux mots, on est bien d’accord. Mr Rochester pense alors qu’il est de bon goût de lui proposer d’être sa maîtresse et de l’installer à la fraîche dans une maison du Sud de la France où ils vivront heureux.
Et là, Jane Eyre dit non.
Elle dit, non, je t’emmerde et je me casse.
Et dans ma prime jeunesse parisienne, j’ai pensé: mais elle est con ou quoi? Qu’est-ce que ça peut lui foutre de se marier avec lui? Il lui propose une pure baraque en région PACA avec les cigales, et elle refuse pour aller s’enterrer dans le trou du cul de la Lande. Non mais n’importe quoi.

Maintenant, je sais, je comprends pourquoi Jane Eyre a réagi comme elle l’a fait et je ne l’admire que plus pour cette raison. Jane Eyre a dit non je t’emmerde à Mr Rochester parce qu’elle a de l’estime pour elle. Elle ne veut pas être l’autre femme, être déconsidérée. Si Mr Rochester l’aime, il l’épouse ou rien. Elle ne va pas jouer les maîtresses pour son plaisir. Et d’abord, d’où il lui cache être déjà marié, non mais il se prend pour qui?! Elle part et elle a raison, elle préfèrera survivre par ses propres moyens plutôt que d’être entretenue par un homme qui ne la considère pas assez pour lui dire la vérité.

Big up à toi, Jane.

Camille Preak - Sur ma peau de Gillian Flynn

J’adoré Gone Girl de la même autrice, et j’ai moyennement kiffé Les Lieux Sombres que j’ai trouvé quand même pas mal chiant avec une fin bancale. Mais mon préféré est incontestablement Sur ma peau, qui a donné naissance à la série Sharp Objects (que j’ai pas regardé, mais qui est très bien, paraît-il.)

Camille est journaliste et retourne dans sa ville natale pour enquêter sur la mort de très jeunes adolescentes. Camille est, il faut bien l’admettre, pas mal torturée. A titre d’exemple, on pourrait parler de son corps qu’elle a quasiment intégralement scarifié pour y graver des mots correspondants à des idées ou des sensations qu’elle a un instant T. On pourrait aussi mentionner qu’elle a une maman assez particulière.

Mais si Camille m’a autant troublée, ce n’est pas juste parce qu’elle souffre, mais c’est aussi pour son instinct de survie. Elle fait ce qu’elle peut pour mener une vie normale, pour faire son boulot de journaliste, pour déceler la vérité. Sa sensibilité et sa manière d’appréhender le monde font de ce roman bien plus qu’un simple polar, c’est une plongée à l’intérieur d’un être humain en grande détresse qui cherche à rectifier le tir.

Scarlett O'Hara - Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell

Alors là.

ALORS LA.

Je ne sais même pas s’il est utile de présenter la belle Scarlett. Sa mesquinerie, sa détermination, sa bêtise, parfois. Mais surtout son incroyable force. Je dois l’admettre, j’adorais le film, mais je n’avais jamais lu le roman jusqu’à cet été. Avec la nouvelle traduction sortie chez Gallmeister, j’ai sauté sur l’occasion et j’ai été incapable de lâcher de pavé. 

Je n’ai jamais rencontré quelqu’un comme Scarlett dans la littérature. Scarlett qui est aveuglée par l’amour, mais qui est aussi un personnage qui ne refuse jamais de regarder la vérité en face. Pleine de contradictions, elle veut à la fois vivre sa vie comme elle l’entend, tout en cherchant à ne pas contrarier le jugement social si lourd dans la société sudiste des années de la guerre de Sécession. Après avoir vu son monde s’effondrer, Scarlett décide de ne reculer devant rien, elle se refuse à regretter le passé et fait tout pour construire son avenir. Elle fait face aux épreuves, les dents serrées, la tête pleine de manigances et agace les hommes et les femmes autour d’elle parce qu’elle ne fait jamais ce qu’on attend d’elle. 

Des fois, elle est concon, surtout en ce qui concerne l’amour (elle a le sens des affaires, mais niveau love, elle est ras des pâquerettes.) Ce n’est pas une bonne mère, ce n’est pas une bonne sœur, une bonne fille, ni une bonne amie, mais c’est une créature féroce, et peu importe le nombre d’énormités qu’elle peut débiter à la minute, il est impossible de ne pas l’admirer. Et à l’instar de Blanche, Scarlett a conscience de l’importance de la terre sur laquelle elle a grandi. La terre rouge de Tara, celle dans laquelle elle puisse son intarissable force et pour qui elle ferait absolument tout.

C’est l’histoire d’une guerre, d’une société décharnée, mais surtout de cette femme à la tête dure qui, j’en suis certaine, nous enterrera tous.

Dieu m’en est témoin. Dieu m’en est témoin, les Yankees ne me vaincront jamais. Je tiendrai bon et quand ce sera fini, je n’aurai plus jamais faim. Non, ni aucun des miens. Si je dois voler ou tuer — Dieu m’en est témoin, je n’aurai plus jamais faim.”

J’aurais pu vous en donner d’autres, vous parler d’Elisabeth Bennett ou d’Ophélie la Passe-Miroir, mais à ce compte, on n’a pas terminé avant la semaine prochaine.

Et vous, quelles femmes vous ont marquées dans la littérature?

(3) Comments

  1. Tu me fais TANT plaisir en citant Scarlett (et presque Sansa) dans ta liste <3 Il y a une phrase du livre que j'aime beaucoup, à propos de Charles Hamilton au tout début : "Il avait toujours rêvé de l'amour d'une créature magnifique, malfaisante et ardente". Je trouve que ça définit très bien Scarlett ^^
    En lisant ton intro je me suis demandé quelles héroïnes féminines m'avaient marquée et j'ai aussi pensé à Lizzie Bennett, mais aussi à Elinor et Marianne de Raisons et Sentiments, et à Anne de Persuasion, parce qu'elles sont toutes si fortes à leur manière douce.
    Je citerais aussi Malta, de la série des Aventuriers de la Mer, qui connaît une évolution absolument magnifique tout en restant profondément elle-même.
    Je crois que j'en avais une autre en tête, mais elle m'est sortie de l'esprit, tant pis, ça me reviendra.

  2. J’ai beaucoup aimé ton article (j’adore ta plume !)
    Dans tous les romans que tu cites, je n’ai lu que Jane Eyre et c’est vrai qu’à l’époque j’avais eu la même réaction que toi. (Bon j’étais au collège aussi ^^’)
    Sinon parmi les femmes qui m’ont marquée dans la littérature, il y a (évidemment) Ophélie de la Passe-Miroir, mais ma préféré reste de loin Midori Kobayashi dans La ballade de l’impossible de Haruki Murakami. C’est une jeune étudiante qui doit s’occuper quasiment seule de son père atteint d’un cancer, et elle a une forme de “je-m’en-foutisme” des convenances sociales très rafraîchissante. (Je précise que ça se passe au Japon des années 60). Bref, c’est un personnage qui m’a fait beaucoup rire, mais que je trouve en même temps très inspirante.

    1. Lea Herbreteau says:

      Oh, tu me donnes trop envie de découvrir!! Je connais mal les œuvres de Murakami.

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